Place et rôle de l’école dans notre société.
A l’origine (1882) le rôle de l’école publique était avant tout d’instruire. Le ministère s’appelait d’ailleurs Ministère de l’Instruction Publique. L’éducation était alors laissée aux soins des familles et de l’église. L’école enseignait cependant la morale qui était l’ensemble des règles de la vie en commun admises par tous, car à l’époque le consensus était très large dans ce domaine. Jules Ferry dans sa lettre aux instituteurs précisait cependant de ne jamais dire ou faire quoi que ce soit qui puisse choquer un père de famille.
Aujourd’hui l’éducation est éclatée entre de nombreux intervenants : la famille, les religions, les médias, la rue, et l’école bien sûr. Mais les intervenants sont souvent diffus, parfois contradictoires, ce qui ne permet pas à l’enfant de construire des repères solides, si la famille ne s’y attache pas.
Les valeurs fondamentales sont toujours acquises dans la famille et/ou dans l’église pour la plupart des enfants, comme par le passé. Mais ces valeurs varient aujourd’hui suivant les familles et les églises. .L’école publique est le seul lieu ouvert à tous, mêlant et confrontant des individus différents. C’est le lieu où les enfants, en vivant ensemble, peuvent apprendre à se respecter et s’accepter les uns les autres, le lieu où l’on apprend aussi à respecter les règles de la vie en commun, en un mot le lieu où l’on apprend la citoyenneté.
Il faut donc que l’école se situe par rapport aux autres intervenants dans l’éducation, et en tienne compte. Pour cela il faut qu’elle établisse des relations institutionnelles, en particulier avec les familles et les élus, représentants de la société,en définissant les rôles complémentaires de chacun, et en les adaptant autant que de besoin. D’où le rôle important que doivent et peuvent jouer les conseils d’école et les conseils d’administration.
Mais l’école ne doit pas oublier cependant que son premier devoir est d’instruire, c'est-à-dire donner aux enfants les outils et les techniques qui lui permettront d’être plus tard des adultes actifs dans la société.
Problèmes actuels. Jusqu’aux années 60 la scolarité était obligatoire jusqu’à 14 ans (certificat d’études). Les cours complémentaires et les collèges recevaient les élèves ayant une intelligence adaptée au milieu scolaire et ‘’mesurée’’ par des tests d’intelligence scolaire du type Binet-Simon.
Mais en 1960 la scolarité devient obligatoire jusqu’à 16 ans et tous les enfants doivent entrer au collège, or tous n’ont pas une intelligence adaptée à ce genre de scolarité, essentiellement axée sur la rationalité, ils ont un autre type d’intelligence (voir le document sur l’intelligence). On s’est vite aperçu des difficultés que cela représentait et on a créé les classes de transition et pratiques. J’ai fait partie de la dizaine d’inspecteurs qui ont conduit des expériences en ce domaine pour établir les instructions et programmes de ces nouvelles classes, sous la direction de l’inspecteur général Habbi. Malheureusement quand il est devenu ministre il a supprimé ce genre de classes ! Collège unique est le grand mot actuellement sous prétexte d’égalité, ce qui est une absurdité ! L’égalité consisterait à procurer aux enfants un système d’études correspondant à leur type d’intelligence ; en supprimant bien sûr cette idée fausse que l’intelligence de type rationnel est au dessus de toutes les autres. Rappelons simplement que les chinois, qui ont un type d’intelligence différent du nôtre, ont inventé la boussole, la poudre et l’imprimerie, sans compter la médecine et la pharmacopée, plusieurs siècles avant nous. Par contre au lycée on multiplie actuellement les filières pour préparer la diversité des carrières, ce qui semble un peu contradictoire.
Le second degré devrait aider l’élève à maîtriser sa pensée, à l’organiser, à s’en servir pour créer dans les domaines qui l’intéressent, en lui fournissant les outils et les techniques de base pour accéder à cette création.
De plus, aujourd’hui, les médias et en particulier internet, apportent une masse d’informations aux élèves, informations qui étaient autrefois apportées par l’enseignement, mais hiérarchisées pour être assimilées. Ce qui pose un problème important. Certes tout le monde est d’accord pour dire que l’école doit aider l’élève à trier ses informations, mais trier ses informations exige un niveau d’intelligence dont l’enfant est génétiquement incapable. Il y a là un problème pédagogique important qu’il faudrait résoudre rapidement.
PEDAGOGIE ;
Définition : C’est la science de l’éducation des enfants. Elle est la base de l’activité professionnelle des enseignants et n’est donc pas du domaine du conseil d’école ou du conseil d’administration. Mais ces conseils peuvent être informés ou consultés par les enseignants. L’essentiel est de définir avec précision les domaines de chaque structure pour éviter que la complémentarité ne tourne à la confusion, préjudiciable au bon fonctionnement de l’enseignement.
Analyse des problèmes posés par la pédagogie : Il est nécessaire de connaître les stades du développement affectif (Wallon) et intellectuel (Piaget) de l’enfant pour l’aider efficacement à se construire, à travers sa socialisation liée à l’école.
Il y a parfois confusion sur la notion d’abstraction. En effet nous avons vu que le langage est un moyen abstrait de représenter les choses et les actions par des sons, donc l’enfant, dès qu’il sait parler, utilise un moyen abstrait pour représenter ce à quoi il pense. Mais il n’a pas accès à l’abstraction en tant que moyen intellectuel pour créer. Il sait représenter le concret auquel il pense, ce qui est très différent. Ce n’est que vers 11 ans qu’il pourra créer de nouveaux abstraits à partir des représentations dont il dispose. Nous verrons des exemples concrets en math.
Par contre l’enfant peut et doit, dès l’école maternelle, découvrir l’utilité de représenter les choses pour dialoguer, en dehors de la présence de ces choses. Nous avons vu que c’est un moyen pour s’affranchir du temps et de l’espace.
Mais pour progresser dans ce domaine de la connaissance il faut être motivé, surtout au cycle élémentaire.
L’homme a construit ses connaissances au fur et à mesure de ses besoins. Chaque connaissance permettant d’en acquérir d’autres. L’enfant doit donc avoir besoin de connaître, il doit être motivé. Pensez aux conférences que vous avez dû subir sans être intéressé, qu’en reste t’il ? Mon vieux maître Célestin Freinet nous disait souvent : ‘’Tu ne feras jamais boire un mulet qui n’a pas soif. Donne lui soif et il t’en demandera toujours plus’’. L’enseignant est donc là pour l’aider à construire ses réponses en guidant sa recherche. Mais il doit aussi sélectionner les problèmes pour lui faciliter la hiérarchisation de ses connaissances à travers la progression de ses acquisitions.
En effet acquérir des connaissances n’est pas suffisant, il faut aussi les organiser en structure cohérente pour que chacune puisse enrichir les autres (Piaget). C’est le rôle des progressions dont le maître est seul juge, car toute connaissance nouvelle suppose acquises des connaissances antérieures nécessaires pour comprendre.
Acquérir des connaissances et les structurer ne sert à rien si on ne les utilise pas pour son usage personnel. Il faut donc que l’élève agisse ; qu’il soit un sujet actif et non un objet passif, attentif ou pas. Pour cela il faut tenir compte des possibilités de l’élève : âge, caractère, type d’intelligence, possibilités d’attention….pour les utiliser au mieux, mais aussi de ses difficultés pour l’aider à les surmonter. Il faut développer les travaux personnels (comme les chefs d’œuvre chers à Freinet), mais aussi les travaux de groupe facilitant les échanges et l’entre aide, donc l’enrichissement mutuel.
J’évoque souvent Freinet car j’ai suivi ses conseils quand j’ai eu ma première classe en 1946. Il n’existe pas de méthode Freinet, il existe un esprit Freinet pour susciter la soif d’apprendre chez l’enfant et des outils et techniques Freinet pour aider l’instituteur. Par exemple le texte libre, le fichier auto-correctif, l’imprimerie et le journal, le plan de travail (contrat maître-élève), le chef d’œuvre (projet personnel), le conseil de classe, présidé réellement par un élève et qui organise la vie de la classe. Le maître choisit librement parmi ces outils, et peut en inventer d’autres avec les élèves
Problème de l’inadaptation et de l’intégration.
Définition : L’inadaptation est l’inadéquation d’une relation au sociétal dans un domaine donné, physique, intellectuel ou comportemental. On appelle inadapté un individu qui a, en permanence, un déficit d’adaptation au sociétal dans un domaine donné. Ce déficit est appelé handicap, et si ce déficit est ressenti par l’individu, c’est la société qui décide de sa nature et de son importance. Rémy Lafon disait : « Qu’est ce que l’inadaptation sinon la socialisation du handicap personnel initial, c’est-à-dire la réponse de la société au handicap ? »
L’insertion est justement cette réponse de la société pour que l’individu puisse établir une relation positive avec le sociétal, en lui fournissant les moyens nécessaires pour y arriver.
Or, dans notre société occidentale hyper technicisée, le nombre d’inadaptations reconnues comme telles augmente inévitablement. En effet, autrefois, dans le milieu rural, tout le monde avait sa place en fonction de ses moyens et de ses déficits, y compris l’idiot du village ; mais déjà dans les villes les inadaptés étaient mis à l’écart (hôpital, asile ou prison). Aujourd’hui comment faire face au nombre croissant de handicapés, surtout à l’école ?
Solutions possibles
L’intégration est une rencontre entre l’enfant handicapé et le groupe classe-maître servant de médiateur avec le milieu scolaire. Mais le handicapé est celui qui contredit la norme de l’école, qui gêne la classe.
La finalité de l’intégration est moins la réussite scolaire,que l’insertion sociale et l’autonomie du futur adulte. Mais les plus grosses difficultés viennent des attitudes figées découlant de situations professionnelles, politiques, philosophiques ou religieuses, parfois antagonistes, et c’est par le changement des attitudes que passe la solution réelle et globale de l’intégration.
29 janvier 1982, premier texte ministériel, qui précise : «L’intégration vise tout d’abord à favoriser l’insertion sociale….elle permet aux parents d’exercer plus pleinement leurs responsabilités…Pratiquée sans systématisation, l’intégration aura d’autant plus de chances de réussir,qu’elle résultera d’un choix clairement exprimé par l’enfant, la famille et l’enseignant ainsi que d’un projet éducatif aux dimensions à la fois médicale, psychologique et sociale, ce projet ne se limitant pas à la sphère scolaire mais prenant en compte l’ensemble des situations vécues par l’enfant handicapé dans et autour de l’école .Un second texte du 29 janvier 1983 précise les conditions de l’intégration. Or que s’est-il passé ? Sous l’influence de pressions diverses, on essaie de mettre rapidement en place, trop rapidement, des intégrations de handicapés dans le système scolaire normal. et on oublie tout le travail de réflexion et de recherche que les textes ont pourtant signalé et essayé de concrétiser.
Il y a rarement concertation réelle préalable. Il existe une hiérarchisation inconsciente des parties concernées, et le savoir, et le pouvoir, sont « mesurés » au niveau des diplômes possédés par l’individu. : pour les familles sans diplômes, voire analphabètes, on s’efforce, en toute bonne foi, de les guider, de les conseiller, c’est à dire de les assister, de les protéger, de les subordonner. On oublie tout simplement le formidable capital affectif inclus dans la relation familiale, qui est alors gaspillé. A l’opposé si les parents détiennent des diplômes universitaires de haut niveau, on écoute et on suit la famille, la hiérarchisation se faisant alors en sens inverse.
Plus rarement encore une vraie convention précise est passée entre les intéressés, convention pourtant exigée par les textes car elle constitue une garantie pour tous.Ici c’est la notion de pouvoir qui entre en jeu, chacun craignant que l’autre empiète sur son territoire.
Enfin l’évaluation de l’action d’intégration se réduit souvent à un constat scolaire : il suit ou il ne suit pas, constat portant plus d’ailleurs sur les contenus que sur les savoir-faire ou les attitudes. Or tout le monde sait que l’intégration scolaire n’est qu’un des aspects, certes important, de l’intégration sociale, qui est le but. C’est donc l’intégration dans sa totalité qu’il faudrait évaluer.
Pour coopérer il faut parler un même langage ; or le mot « paresseux » par exemple n’a pas le même sens pour un psychiatre, un enseignant ou un père de famille. On devrait en tenir compte dans la formation initiale ou continue.
Conclusion. Un long chemin a déjà été parcouru, mais il reste encore beaucoup à faire, et le plus difficile. Car il faut maintenant modifier les valeurs, c'est-à-dire les bases de notre éthique, et il y faut du courage : à quel niveau de valeur plaçons nous les droits des handicapés et en particulier des enfants handicapés ? Où les situons nous par rapport à notre volonté, normale, de sécurité et de confort, c'est-à-dire de bonheur ? Là est la vraie réponse au problème de l’intégration.
CONCLUSION
On n’enseigne pas une discipline, on présente à des êtres humains les outils et techniques inventées par nos prédécesseurs et on leur apprend à s’en servir.
La pédagogie doit s’organiser autour du principe de l’élève acteur. Le maître devrait connaître l’essentiel de l’histoire de la discipline qu’il enseigne, car les disciplines sont nées d’un besoin de comprendre pour maîtriser. On pourra ainsi favoriser la soif de connaître chez l’élève.
Ne jamais oublier non plus que l’enseignement est d’abord un problème de communication (Wallon) et que les connaissances ne deviennent utiles qu’en se structurant (Piaget).
L’école a pour but l’insertion dans la société, qui est en constante évolution. Actuellement, pour notre civilisation occidentale, l’insertion exige d’abord la maîtrise de la langue, orale et écrite, des mathématiques (au moins du calcul) et des sciences (au moins de leurs rudiments). Pour son bonheur l’individu doit être capable de profiter des activités sportives et esthétiques. Nous développerons cette approche possible des disciplines dans une prochaine analyse des contenus et des programmes.
Il faudrait aussi réfléchir sur le temps de travail des élèves. En France nous avons comprimé le temps scolaire jugé nécessaire, dans le minimum de jours, et ça continue ! Nous avons les journées scolaires les plus chargées au monde.
Mais ceci est un problème trop important pour l’examiner en quelques lignes. Nous l’aborderons plus tard.
ADDITIF (ou post-scriptum) A MON TEXTE SUR L’ECOLE .
Je viens de trouver une interview d’Albert Jacquard dans le numéro 134 de juillet 2004 de MAIF infos. Je me permets de reproduire ici quelques passages qui rejoignent mes pensées et les complètent. Il s’agit donc uniquement de citations. C’est moi qui souligne certains mots.
Dès lors que les hommes coopèrent, s’allient, dès lors qu’il n’y a pas de compétition entre eux, ils peuvent progresser…C’est pourquoi il faut organiser, encore et toujours, des rencontres entre les hommes…
La société est sclérosée par le conformisme, les formules toutes faites; la répétition des mêmes erreurs. L’enseignement dispensé dans les écoles, petites et grandes, favorise cela au détriment, hélas, de l’inventivité…
La vitesse crée des aberrations comme le Paris Dakar ou les jeux olympiques. Savoir qu’un autre que moi a accompli un temps plus court que le mien peut m’aider à progresser. Qu’il soit considéré comme meilleur.ou qu’il ait pulvérisé un record, en revanche, ne m’apporte rien…
L’éducation est donc un enjeu majeur. Tout commence à l’école. Malheureusement, le système d’éducation actuel est pernicieux. Les notes, les classements, encouragent cette compétition absurde. L’école devrait se consacrer à promouvoir l’art de la rencontre…L’enseignant aura atteint le but de sa mission si l’élève perçoit que de l’autre il peut faire une source, une richesse…
Il est évidemment indispensable de vérifier l’état des connaissances, on ne peut se passer d’examens. En revanche ramener l’appréciation d’un travail à une note et par là instaurer une hiérarchie entre élèves, c’est réducteur, néfaste. L’autre me vaut, il est différent…
L’enfant qui dit « j’ai pas compris » rend service à toute la classe. Quand on raisonne vite, on fait semblant. Pour comprendre il faut du temps…L’intelligence ne se gradue pas. Elle a de multiples facettes, parmi lesquelles la capacité à imaginer, à s’intéresser…
L’homme est le centre de l’univers. .Il doit de débrouiller seul. Même les théologiens sont en train d’évoluer dans cette direction. Ils cantonnent Dieu à « l’après »…
TOUT HOMME A DROIT A UNE VIE QUI LUI PERMETTE DE SE CONSTRUIRE
Nous verrons par la suite, pour chaque discipline, comment tenir compte de mes remarques sur la pédagogie.
Ces remarques seront plus ou moins détaillées en fonction de la place qu’a tenue la discipline dans ma vie professionnelle. La plus importante, les mathématiques, aura une place privilégiée.